Sniper, SĂ©rie des Dispn, dispositif interactif sur le web et installation, Samuel Bianchini, 1999. Courtesy Heiner Stadler pour les images de son film Warshots. DĂ©veloppement informatique (2021): Oussama Mubarak avec le soutien du ZKM | Center for Art and Media, Karlsruhe. Exposition Maintenance, Galerie de l’École europĂ©enne supĂ©rieure de l’image, Poitiers, mai 2010. Photographie : © Samuel Bianchini – ADAGP

En 1996, le rĂ©alisateur allemand Heiner Stadler produit le film Warshot. Il y est question de la rencontre d’un photographe de guerre avec un sniper et de la mise en parallĂšle de leurs activitĂ©s. DĂšs le titre, ce rapprochement est suggĂ©rĂ© : “shot” signifiant Ă  la fois l’acte de tirer et de photographier.

En 1999, avec l’accord du rĂ©alisateur, Samuel Bianchini reprend une courte sĂ©quence de ce film pour la mettre en Ɠuvre dans un dispositif artistique – Sniper – qui, par le truchement de l’interactivitĂ©, met Ă  son tour le spectateur dans une position convergeant avec la situation initiale.

Si le dispositif est prĂ©sentĂ© dans de nombreuses expositions, il l’aura Ă©tĂ©, aussi, en permanence, depuis plus de vingt ans, sur le web. Son dĂ©ploiement en installation ne l’a jamais coupĂ© de sa disponibilitĂ© en ligne (https://sniper.dispotheque.org). Il fait d’ailleurs partie d’une sĂ©rie de “dispositifs disponibles” (les Dispn) dont la programmation a Ă©tĂ© d’emblĂ©e effectuĂ©e en respect des standards publics du web et en open source, permettant sa reprise.

PrĂ©sentĂ©e en 2002, sous forme d’installation, dans l’exposition Iconoclash au ZKM (Centre pour les arts et les mĂ©dias de Karlsruhe, avec le commissariat de Bruno Latour et Peter Weibel), cette Ɠuvre a Ă©tĂ© aujourd’hui redĂ©veloppĂ©e pour ĂȘtre intĂ©grĂ©e au projet europĂ©en Beyond Matter – pilotĂ© par le ZKM – donnant lieu Ă  une nouvelle version d’Iconoclash avec un dispositif “virtuel” mis en scĂšne dans plusieurs musĂ©es europĂ©ens comme le Tallinn Art Hall, en Estonie. Ce nouveau dĂ©veloppement a permis de rendre cette image “responsive”, c’est-Ă -dire capable de s’adapter automatiquement en taille et en dĂ©finition Ă  son support, qui peut ainsi ĂȘtre aussi bien un grand Ă©cran de trĂšs haute dĂ©finition (jusqu’à 4K) que celui d’un smartphone ou d’une tablette.

Du film de Heiner Stadler, en passant par le web, l’installation avec une projection HD, jusqu’au musĂ©e “virtuel”, cette image n’aura eu de cesse d’ĂȘtre transposĂ©e, adaptĂ©e, rĂ©actualisĂ©e pour finalement inclure cette disposition, cette mise en disponibilitĂ©, dans son code mĂȘme. Elle est devenue responsive, non seulement techniquement, mais, plus fondamentalement, en Ă©tant capable de rĂ©pondre Ă  des actions et Ă  une situation, participant ainsi de la configuration de cette derniĂšre. En effet, plus qu’une image, elle est une condition d’expĂ©rience de la reprĂ©sentation, d’une mise en scĂšne avec l’image et devant l’image. Elle questionne et rĂ©pond ; elle induit un Ă©change opĂ©rationnel, esthĂ©tique et symbolique. Elle configure un théùtre d’opĂ©ration ainsi mis en puissance et en circulation.

Comment, dĂ©sormais, penser ces nouvelles formes d’images “responsives”, Ă  la fois distribuĂ©es et situĂ©es qui reconfigurent nos rĂ©alitĂ©s ?

Biographie :

Samuel Bianchini est artiste et enseignant-chercheur habilitĂ© Ă  diriger des recherches Ă  l’École nationale supĂ©rieure des Arts DĂ©coratifs (EnsAD) – UniversitĂ© Paris Sciences et Lettres (PSL), oĂč il dirige le groupe de recherche Reflective Interaction d’EnsadLab (laboratoire de l’EnsAD) sur les dispositifs interactifs et oĂč il est Ă©galement co-responsable de la Chaire arts et sciences mise en place en 2017 avec l’École polytechnique et la Fondation Daniel et Nina Carasso. 

Avec plus de 100 expositions collectives et 20 expositions personnelles, ses Ɠuvres sont rĂ©guliĂšrement exposĂ©es en Europe et Ă  travers le monde. Soutenant le principe d’une “esthĂ©tique opĂ©rationnelle”, ses rĂ©alisations mettent en Ɠuvre des opĂ©rations physiques autant que symboliques, en contexte, en public et en temps rĂ©el, nous incitant Ă  contempler, Ă  rĂ©flĂ©chir autant qu’Ă  agir. 

En relation Ă©troite avec sa pratique artistique, Samuel Bianchini a entrepris un travail thĂ©orique qui donne lieu Ă  de frĂ©quentes confĂ©rences et publications chez des Ă©diteurs comme les Ă‰ditions du Centre Pompidou, les Ă‰ditions Jean-Michel PlaceMIT PressAnalogues, BurozoĂŻque, HermesLes presses du rĂ©elSpringer, etc.

Sites web : www.dispotheque.org | http://reflectiveinteraction.ensadlab.fr

Publications (ouvrages) :

‱ Samuel Bianchini et Mari Linnamn, Ă€ Distances. ƒuvrer dans les espaces publics, Dijon, Éd. Les presses du rĂ©el, Coll. “SociĂ©tĂ© des Nouveaux commanditaires”, 2017.

‱ Samuel Bianchini, Audience Works, Bruxelles, Éd. mfc-michĂšle didier, 2013, 2 volumes, vol. 1 de 208 pages, vol. 2 de 192 pages, 8 langues : français, anglais, espagnol, portugais, russe, japonais, chinois, arabe.

‱ Samuel Bianchini et Erik Verhagen (sous la dir.), Practicable. From Participation to Interaction in Contemporary Art, Cambridge / Londres, Éd. MIT Press, 2016.

‱ Samuel Bianchini et Emanuele Quinz (sous la dir.), Behavioral Objects I : CĂ©leste Boursier-Mougenot, a Case Study, Berlin / New York, Éd. Sternberg, 2016, distribuĂ© par MIT Press.

‱ Samuel Bianchini, Nathalie Delprat et Christian Jacquemin (sous la dir.), Simulation technologique & matĂ©rialisation artistique – Une exploration transdisciplinaire Arts / Sciences, Paris, Éd. L’Harmattan, 2011.

‱ Samuel Bianchini (sous la dir.), Recherche & CrĂ©ation. Art, technologie, pĂ©dagogie, innovation, Montrouge, Éd. BurozoĂŻque et École nationale supĂ©rieure d’art de Nancy, 2009, 264 p. ; repris en format Ă©lectronique en 2012, par Art Book Magazine [www.artbookmagazine.com].

‱ Fabrice Hergott avec la collaboration de Samuel Bianchini et Julie Heintz (sous la dir.), Joseph Beuys – films et vidĂ©os, Paris, Éd. Centre Georges Pompidou, 1994.